[Lecture] L’enfance des dictateurs

J’ai tout récemment lu L’enfance des dictateurs, de Véronique Chalmet. J’ai vraiment dévoré ce livre, il est fascinant !

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Ce que dit la 4ème de couverture :

« […] La tache rouge indélébile qu’ils ont laissée dans les livres d’histoire a fait oublier que même Staline, Franco, Bokassa, Kadhafi, Amin Dada ou Pol Pot, avant de devenir des tyrans, ont un jour été des enfants. Naît-on bourreau ou le devient-on ? Quelle est la part d’atavisme et de penchant psychologique ? Le contexte familial et politique a-t-il une incidence sur l’orientation despotique et l’exercice de la cruauté ? C’est à cette réflexion que Véronique Chalmet invite le lecteur en plongeant aux « racines du mal ». A travers l’évocation d’anecdotes pittoresques de l’enfance et de la jeunesse de dix petits garçons appelés à un sombre destin, elle retrace des épisodes historiques du siècle dernier. Elle esquisse, par touches légères et originales, le portrait de ces despotes tristement célèbres, offrant ainsi un éclairage nouveau sur le décryptage de la tyrannie. »

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Les deux sujets m’ayant le plus intéressée sont les plus « emblématiques », Staline et Hitler, dont l’enfance a été atroce. Les deux étaient battus dès leur plus jeune âge (Staline notamment, alors qu’il était encore tout petit, a échappé à la mort plusieurs fois, tant son père s’acharnait sur lui). C’est dire l’ambiance au sein des foyers…

Idem pour Hitler qui s’en prend des bonnes pour des raisons futiles (parce qu’il a renversé son lait, parce qu’il s’est fait pipi dessus…). Un jour, son demi-frère perdra même connaissance sous les coups du père pour avoir fait l’école buissonnière… (Klara, la mère, ne s’interpose jamais, au risque de se prendre elle aussi une paire de claques). Son père bat aussi (tant qu’on y est) grassement le chien de la famille au point (je cite) « de le faire ramper et pisser sous lui, à seule fin de démontrer à ses enfants qui est le chef ». Hitler continuera d’en faire des cauchemars à l’âge adulte. « Les proches du Führer témoigneront de troubles nocturnes chroniques : « il s’éveille souvent la nuit en poussant des cris convulsifs. Il appelle au secours. Il est saisi d’une panique qui le fait trembler au point de secouer le lit. Il halète comme s’il était sur le point d’étouffer. Entre cauchemars et hallucinations, il croit distinguer une ombre familière : « c’est lui ! c’est lui ! », gémissait-il. Ses lèvres étaient bleues »». Et puis bon, tant qu’on parle du père, notons que c’était un coureur de jupons, qui allait voir un peu partout et qui a envoyé ses deux femmes successives, atteintes de phtisie, crever ailleurs que sous ses yeux. Oui oui, il les a envoyées agoniser à la campagne et a attendu tranquillou qu’elles meurent pour passer à une autre ! Et devinez qui fût la prochaine élue ? Sa nièce ! qu’il a commencé à « convoiter » alors qu’elle avait 16 ans (lui en avait 39)… Avec un arbre généalogique aussi dégueulasse, on comprend déjà la case en moins dans le cerveau d’Hitler, quand on sait qu’il aura plus tard lui aussi des relations très « ambiguës » avec sa propre nièce.

Bref, en dehors de ces anecdotes surréalistes et de ces personnages particulièrement charmants, c’est aussi dingue de voir à quel point le cours de l’Histoire ne tient à rien : si Hitler n’avait pas été recalé des Beaux-Arts, si Staline n’avait pas été renversé par un fiacre au point de devenir boiteux et qu’il était parti à la guerre… peut-être que…

Je vous propose quelques extraits, de quoi vous faire une (petite) idée…

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Idi Amin Dada

« Assa [sa mère], concocte essentiellement des drogues à base de plantes, mais elle se procure quelquefois des ingrédients bien plus terrifiants, destinés à des potions de richesse pour ses clients plus fortunés : des fœtus ou des enfants sont sacrifiés pour leur sang et diverses parties de leur corps. Bébé Idi, avant de savoir marcher, assiste à l’infernale cuisine de sa mère : il surprend des rituels sanglants, entend des gémissements et des soupirs d’agonie qu’on ne sait animaux ou humains, aperçoit sa mère en train de démembrer de petites dépouilles à coups de panga (semblable à une machette) et de mettre à sécher sous le toit de la case des sexes tranchés. Plus tard, lorsqu’il sera officier de commando pour les Britanniques, il se fera une spécialité des interrogatoires menés avec le même ustensile, utilisé pour couper le pénis des prisonniers… »

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Adolf Hitler

« Klara [sa mère] est enceinte de 4 mois et continue d’appeler son mari « Oncle », avec crainte et déférence ; une habitude qu’elle gardera jusqu’à la fin de ses jours, très évocatrice de l’insanité familiale ambiante… »

« Klara est passée maîtresse dans l’art d’obtenir le silence des enfants en présence de leur père. Un tour de force beaucoup plus difficile à réaliser avec le nouveau-né [Adolf Hitler], qu’elle étouffe de caresses et nourrit comme une oie pour faire cesser les inévitables cris et vagissements. Ce gavage provoquera chez l’enfant des colites et autres dérangements intestinaux à répétition, qui deviendront chroniques et tourmenteront Hitler adulte. »

« Des liens consanguins, noués depuis plusieurs générations, ont provoqué diverses déficiences mentales ou physiques dans la famille du futur Führer, et influenceront directement sa politique eugéniste : en décembre 1940, il fera gazer sa propre cousine schizophrène, Aloisia Veit, au centre d’euthanasie du château de Hartheim (Haute-Autriche), avec 18 500 autres handicapés mentaux ; Hitler réduira en cendres un passé qui à l’évidence le hante… »

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Joseph Staline

« Au bout d’un an, il marche puis commence à babiller avec entrain dès qu’il entend de la musique. Sa motricité naissante lui permet également de se cacher dès qu’il distingue le pas titubant de son père, dont il apprend très vite à reconnaître l’état éthylique plus ou moins avancé. »

« Quand son père aviné rentre à la maison et hurle, avant de franchir le seuil, qu’il cherche son « sale petit bâtard » son ceinturon à la main, l’enfant terrorisé se jette en pleurant dans les bras de sa mère pour lui demander de le cacher. C’est un jeu pervers, qui finit inévitablement par la découvert de l’enfant, en prélude au pugilat conjugal. Sosso [surnom de Staline enfant] est ainsi témoin de bagarres terribles entre ses parents, auxquelles il essaie naïvement de mettre un terme ; pris entre les deux, il récolte d’atroces raclées. Un soir, il ramasse un couteau sur la table et le balance à la tête de son père, dans un geste aussi dérisoire que désespéré. »

« Sosso semble être un enfant intellectuellement précoce ; il apprend très vite et facilement à lire et à écrire le russe […]. Mais il faut lui apprendre en cachette, car Besso [son père] est obsédé par l’idée qu’il soit plus instruit que lui, faveur qu’il refuse rageusement de faire à son fils ! Un enfant devant, selon lui, racheter les souffrances de ses parents et en endurer autant, Besso veut en faire un cordonnier comme lui. […] Il le traîne manu militari dans son atelier puant de cuirs fraîchement tannés et le force à y passer des journées entières d’apprentissage à ses côtés, le bourrant de taloches et le fouettant dès qu’il lève la tête de son ouvrage. »

Ce sont les anecdotes qui m’ont le plus marquée (enfin, il y en a d’autres évidemment mais le reste, ce sera à vous de le découvrir si le cœur vous en dit ;)).

Je tiens quand même à préciser un point. Quand j’en parlais à mon B. et que je finissais par dire : « non mais franchement il est génial tu dois le lire ! », il me répondait : « oui mais moi j’aime pas ce genre de bouquins, parce que tu finis limite par les plaindre et je ne veux pas avoir d’empathie pour ces gens-là ». Je vous réponds ce que je lui ai répondu : ce n’est absolument pas le cas ! Le but de l’auteure n’est pas de faire pleurer dans les chaumières mais bien d’expliquer certains points, certains traits de personnalité, ce qui a fait qu’un jour, ces enfants ont perdu toute innocence. Je suis quelqu’un qui a beaucoup d’empathie et à aucun moment, je ne me suis dit : « oh pauvre Hitler, pauvre untel qui a vécu l’enfer, c’est triste » (faut pas déconner non plus, tous les enfants martyrisés ne finissent pas dictateurs). Le livre est simplement très intéressant pour comprendre certaines actions de leur dictature (même inconscientes). Pendant ma lecture, je me disais que je comprenais mieux, pas que j’excusais ! Rien n’excuse un génocide, et encore heureux.

Si vous aimez ne serait-ce qu’un peu tout ce qui tourne autour de la psychologie, des anecdotes, ou même de l’Histoire, vous aimerez sans doute autant que moi cette lecture. Il est très bien traité, agréable à lire et vraiment intéressant. Et c’est un livre accessible à tous, pas besoin d’aimer/d’être bon en histoire, psycho ou je ne sais quoi ;)

Faîtes garder vos animaux avec Nac-sitter !

J’ai récemment été contactée par Amandine, créatrice du site Nac-sitter pour un partenariat et je dois dire que j’en suis ravie et qu’il me tardait de vous en parler ! Comme vous le savez, les animaux ont une place majeure dans ma vie et j’ai fait de la cause animale l’une de mes priorités depuis mon adolescence. Naturellement, il fallait que je vous parle de Nac-Sitter.

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Nac-sitter, c’est quoi ?

Le site est né tout simplement de la difficulté pour Amandine de trouver quelqu’un de fiable pour s’occuper de ses NAC pendant son absence. Les sites de garde d’animaux existent mais ils sont pour la plupart payants. Communication restreinte, manque d’informations (à moins de payer donc)… je trouve ça délirant… ces sites de garde sont censés lutter contre l’abandon des animaux en proposant des solutions mais combien ont dû être rebutés par cet accès payant aux informations ? Sur Nac-sitter, les échanges sont facilités car tout est gratuit et fiable ! Le site propose aussi d’autres services comme un système de carnet de suivi, un contrat de garde, ainsi qu’un système de petites annonces. Et ne vous fiez pas au nom du site, Nac-sitter met en avant les Nac (ces animaux demandent des soins très particuliers) mais n’est pas sectaire et accepte aussi les chiens et les chats !

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Sur Nac-sitter, on vous propose :

– De garder des animaux chez vous ou chez le propriétaire en question
– Faire de simples visites au domicile où se trouve l’animal, et/ou de faire des promenades
– On peut échanger des tas d’expériences et conseils utiles (bricolage de cage, par exemple)
– Devenir famille d’accueil (c’est-à-dire garder temporairement un animal à la recherche d’un foyer)

Je ne pense pas chercher quelqu’un pour Dali (qui ne tolère personne à part mes parents -_- et puis, c’est un chihuahua, je peux l’emmener un peu partout sans problème) mais faire des gardes d’animaux et devenir famille d’accueil, c’est quelque chose que je voulais faire depuis des mois. J’ai vu il y a quelques mois que la clinique vétérinaire où j’emmène mon chien cherchait des familles d’accueil, et ça a fait tilt ! Ce ne sera pas pour tout de suite malheureusement : 1) parce que nous avons actuellement 56m², nous cherchons à déménager depuis quelques mois (et ça prend du temps), 2) mon chien est chiant peu sociable, ça va être chaud mais il finira par s’habituer, et 3) pensez-vous vraiment que je serai capable de redonner les animaux après les avoir gardés ? (tatata, donner c’est donner, reprendre c’est voler :D)

Non, sans rire, il n’y a pas de petites actions, et dès que j’aurai un(e) appart’/maison plus grand(e), je me lance à coup sûr avec Nac-Sitter !

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Petite parenthèse car on n’en parle à mon avis pas assez : si vous voulez un animal, je vous en supplie, pensez à l’adoption et fuyez les animaleries ! Leur commerce n’engendre QUE trafics et animaux malades… les animaux sont des êtres vivants, pas des marchandises ! Il y a des millions d’animaux qui vivent toute leur vie enfermés dans un box de 3m². Certains sont abandonnés lorsqu’ils sont âgés et finissent leur vie dans un refuge. C’est tellement plus beau de donner une seconde chance…

N’hésitez pas aussi à aimer la page facebook de Nac Sitter ;)

Les Contes de Perrault et leur double lecture

Qui ne connaît pas les Contes de Perrault ? Mais si tout le monde connaît, peu de personnes savent vraiment lire entre les lignes de ces contes…

Au cours de ma deuxième terminale littéraire, le programme de littérature était composé des études de Jacques le Fataliste de Diderot, des Planches Courbes de Bonnefoy, des Métamorphoses d’Ovide et des Contes de Perrault. En voyant cette dernière œuvre, tout le monde s’est demandé où était la caméra cachée. Étudier les Contes de Perrault à 18 ans, l’avoir au programme pour le bac… on s’est tous un peu interrogés.

Jamais je n’aurais pensé que les contes pouvaient avoir un véritable aspect littéraire au-delà du loisir, de la lecture pour les enfants. Cette partie du programme sur Perrault m’a littéralement tenue en haleine.

Petite introduction d’abord aux auteurs et aux œuvres :

Perrault est un auteur du 17ème siècle, tellement connu qu’on lui attribue des contes qu’il n’a pas écrit (Blanche-Neige, La Belle et la Bête entre autres). Les Contes ont eu du succès au point qu’aujourd’hui, ils ne désignent plus plus une œuvre, mais un genre littéraire à part entière.

Il y a un mouvement esthétique et idéologique qui traverse les contes de Perrault. Au 17ème siècle, l’enfant n’est pas du tout un public pour les éditeurs. La pédagogie par la lecture est le privilège de l’aristocratie.

 

Les fonctions du conte :

* Le conte est au centre de la famille, il l’unit autour de l’histoire.

* Il désigne un récit court d’aventures imaginaires et se caractérise souvent par une morale, censée donner aux enfants le chemin de la vertu.

* Il est basé sur la répétition pour permettre à l’enfant de mieux assimiler la morale (exemple : le Petit Poucet est abandonné deux fois, rythme binaire ou ternaire souvent présent dans les contes).

* Stéréotypes manichéens : personnages extrêmement bons et mauvais pour que les enfants distinguent parfaitement le vice de la vertu.

Moralités claires :

Le petit Chaperon rouge : se méfier des séducteurs, obéir à ses parents…

Barbe-Bleue : la curiosité est un vilain défaut…

Les Fées : l’honnêteté est toujours récompensée, l’impolitesse punie…

Perrault est donc un écrivain moraliste ; cependant, l’œuvre présente des ambigüités qui montrent qu’elle va au-delà de cette fonction didactique.

Les moralités ambiguës :

Exemple avec les Fées : c’est l’histoire d’une jeune fille envoyée à une fontaine par sa mère et sa sœur, toutes les deux aussi désagréables l’une que l’autre (évidemment !). Après avoir été serviable envers une vieille femme (en fait la fée) qui lui demandait de l’eau, elle se voit dotée d’un don : à chaque parole sortira de sa bouche une pierre précieuse. La mère, en voyant ça, envoie son autre fille, qui sera impolie avec la fée, et qui recevra comme « don » celui de cracher des crapauds et des serpents. Considérée comme la coupable de leur malheur, la première gentille jeune fille est chassée. Dans une forêt, elle rencontre un prince, qui, « séduit » par ce don, l’emmène pour l’épouser.

Au final :

– Il n’y a qu’une fée ! Le titre ne reflète pas le contenu !

– Pourquoi la mère chasse-t-elle sa fille plutôt que de profiter des trésors ?

– Pourquoi la fée change-t-elle d’apparence ?

– Pourquoi le prince s’intéresse-t-il autant aux diamants qui sortent de la bouche de la jeune fille ? (je cite : « considérant qu’un tel don valait mieux que tout ce qu’on pouvait donner en mariage à une autre« )

– A aucun moment, il n’est dit que la mère regrette d’avoir chassé ses filles et laissée mourir l’une d’entre elles !

On comprend donc vite que les destinataires des contes sont d’abord les parents ! Ce n’est pas tellement le vice et la vertu qui sont en cause mais le rôle parental. Perrault interroge les parents sur la façon dont ils élèvent leurs enfants, lorsque que, par exemple, il utilise le terme « folie » pour qualifier l’amour de la mère pour sa fille aînée.

Également dans le Petit Chaperon rouge, quel genre de mère laisserait sa petite fille se balader seule dans une forêt ?

Vous aurez également remarqué que :

* Le loup n’est pas puni pour avoir mangé le petit Chaperon rouge (il représente l’homme au même titre que dans les Fables La Fontaine)

* Le Chat Botté permet à son maître de devenir roi par des moyens peu louables.

* Peau d’Âne pourrait épouser son père en voyant les belles robes ; c’est en voyant la peau d’âne qu’elle refuse de se marier avec lui.

* Dans le Petit Poucet, la femme de l’ogre est plus protectrice envers les enfants que leur propre mère.

* Dans le petit Chaperon rouge, la mère est à l’origine de la dévoration de la fillette.

La vertu et le vice se confondent donc parfois.
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Pour aller plus loin :

Le petit Chaperon rouge répond à toutes les questions du loup : d’après le célèbre psychologue Bettelheim, inconsciemment, elle veut que sa grand-mère se fasse dévorer. On remarque aussi qu’elle s’intéresse beaucoup au corps du loup… de plus, le chaperon était un vêtement de femmes et non de petites filles… sans compter que la couleur rouge renvoie à la sexualité.

Dans Barbe-Bleue, le sang sur la clé ne s’efface pas… mais l’ogre n’a pas besoin de cet objet pour comprendre que sa femme a fauté.

D’après je ne sais plus quel psychologue – probablement Bettelheim -, l’ogre est conscient d’égorger ses filles ! Perrault écrit : « ayant senti les bonnets de nuit sur les têtes de ses filles, il les égorge sans hésiter« .
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Bref, un très rapide condensé de ce qui a été étudié pendant ces quelques mois. Si le sujet vous intéresse, je vous recommande Psychanalyse des contes de fée de Bruno Bettelheim ;)