Conférence L214 : la libération animale, et après ?

« Un jour, nos petits-enfants nous demanderont : où étais-tu pendant l’Holocauste des animaux ? Qu’as-tu fait contre ces crimes horribles ? Nous ne pourrons donner la même excuse une seconde fois, dire que nous ne savions pas. » Isaac Bashevis Singer

C’est avec un peu de retard que je viens vous parler de la conférence sur la libération animale, avec Matthieu Ricard, Peter Singer et Aymeric Caron, organisée par L214 à la Cité des Sciences et de l’Industrie. C’était passionnant ! C’est rassurant de voir ses propres idées exprimées différemment par des personnalités influentes/très médiatisées ; les vegéta*iens sont toujours vus comme des parias, là on avait juste l’impression d’être une grande famille… et ça fait du bien ! L’amphithéâtre compte près de 950 places et l’événement affichait complet (tout a été vendu les premiers jours), c’est dire à quel point l’événement était attendu.

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Peter Singer, philosophe australien précurseur de la question animale (il a publié La Libération Animale en 1975, qui est considéré comme le 1er ouvrage de référence) a parlé du contexte dans lequel il a écrit son livre dans les années 70 ; il a parlé du spécisme (= le spécisme est le « racisme des espèces », cette attitude illogique qui font que les gens caressent un chien mais mange un cochon) et de la façon dont on pouvait lutter contre l’exploitation animale. Il pense que le bien-être animal est un sujet qui se démocratise même si les gens ont du mal à repousser leurs limites. Pour lui (comme n’importe quel militant je pense), la libération animale est analogue aux grands mouvements contre le racisme, l’homophobie, le sexisme… Sur le plan individuel, il préconise évidemment de cesser d’acheter tout ce qui contribue à la souffrance animale (l’acte de consommation étant une approbation).

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Matthieu Ricard, docteur en génétique cellulaire et moine bouddhiste, auteur de Plaidoyer Pour les Animaux (entre autres) milite pour l’extension de notre bienveillance à tous les êtres sensibles. Je ne pensais pas être passionnée par son discours (c’est surtout Caron qui m’intéressait dans l’histoire) et pourtant c’est celui qui m’a le plus « tenu en haleine ». Il pense que l’évolution est enclenchée mais que (malheureusement, comme toutes les évolutions), elle mettra encore plusieurs décennies à véritablement s’installer. Autrefois, on torturait et tuait des gens sur la place publique, tout le monde trouvait ça normal tant c’était ancré dans la société. Dans 100 ans, la souffrance animale sera perçue de la même façon : comme aberrante, honteuse, rétrograde. Il disait également qu’à l’époque de l’esclavage, la majorité disait que ce serait impossible de s’en passer, notamment d’un point de vue économique… 10 ans après, l’esclavage était aboli. Autre exemple, il y a 30 ans (30 ans seulement !), des nouveaux-nés étaient opérés sans anesthésie car on pensait qu’ils ne sentaient rien… bref, certaines croyances ont la vie dure et la petite minorité qu’on traitait de fous, d’utopistes, sont ceux qui ont eu raison et qui ont fini par triompher. Comme l’a dit Gandhi : d’abord ils vous ignorent, ensuite ils vous raillent, puis ils vous combattent et enfin, vous gagnez. ;)

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Il a aussi pas mal parlé d’empathie, des médias qui cachent la souffrance animale « pour ne pas choquer » (soi-disant). La plupart des gens opère une distanciation morale et idéologique (type « les animaux ne ressentent rien », « ils sont là pour nous servir ») pour continuer à faire souffrir en toute conscience. Il a parlé des fausses excuses : « moi je prends que de la viande bio » (on comprend pas bien le rapport), « les animaux se mangent entre eux de toute façon » (où est le rapport bis), « on a besoin de viande pour vivre », « c’est la tradition », « c’est comme ça depuis la préhistoire », entre autres trucs farfelus.

Et le must, qu’on entend environ 10 fois par jour (j’exagère à peine) : « c’est pas indécent de vous préoccuper des animaux avec ce qui se passe en Syrie – en Afghanistan – en Israël… (rayez la mention inutile selon les circonstances) ? ». Comme disait Lamartine : « on a pas un cœur pour les animaux et un pour les humains ; on a un cœur ou on n’en a pas« . Ricard ajoute que cesser de faire souffrir prend une fraction de seconde et que la bienveillance est une manière de regarder l’autre, ce n’est pas une denrée limitée, une quantité à répartir, c’est une attitude. Les gens qui emploient cet « argument » passent eux-mêmes certainement du temps à jouer au foot, regarder la télé ou je ne sais quoi d’autre… ce genre de réflexion n’est que pure hypocrisie.

Se révolter contre le sort des animaux n’a jamais empêché pas de se battre pour le sort des hommes. La plupart des militants pour la cause animale aident AUSSI les hommes. Comme le dit Caron à juste titre dans ce dernier paragraphe de No Steak :

IMG_2708tumblr_m7zh7z41OH1qlsz1c(Croyez-moi, ça se vérifie !)

Il nous a bien fait marrer en disant que les gens qui font des collections de timbres, on ne vient pas les emmerder en leur disant : « et la collection de pin’s alors ? », ou ceux qui écoutent Radio France : « vous écoutez la radio, avec ce qui se passe en Syrie, c’est pas indécent ? ». (Cette petite note d’humour était ô combien rafraîchissante :) )

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Il a aussi abordé une notion qui m’a beaucoup intéressée : la détresse empathique. C’est la douleur égocentrée qui fait que qu’on va se cacher les yeux devant des images de souffrance animale, refuser une surcharge émotionnelle et dire : « je ne peux pas voir ça ». C’est un sentiment normal (seul un psychopathe ne la ressentirait pas) mais il faut savoir la surpasser pour garder l’énergie de se révolter et de se battre pour ce qu’on croit juste.

La viande c’est : de la souffrance animale, des problèmes de santé, enfoncer le clou de la faim dans le monde et un véritable désastre écologique (il faut 15 000L d’eau pour produire un kilo de viande, pour ne citer que ça) ; bref tout le monde y perd.

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Alors pourquoi cette incohérence ? D’après Matthieu Ricard, il faut développer l’empathie qui mène à l’amour altruiste, ce n’est pas une utopie mais une attitude à avoir. Notre bienveillance ne doit pas se restreindre. Et la bienveillance s’apprend ! Tout est dans l’éducation, la culture. Un beau message quoi !

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Pour terminer, une personne a demandé comment réagir avec ceux qui disent « ah mais oui mais moi j’aime trop la viande, je pourrais pas m’en passer ». Ricard dit que les gens ont des connaissances (ils savent ce qui se passe grosso modo dans les abattoirs) mais ils ne les utilisent pas, ils choisissent d’ignorer. Il faut d’après lui les pousser à ne pas exclure leur imagination, les pousser à la réflexion. Comme on dit, « qui veut faire quelque chose trouve un moyen, qui ne veut rien faire trouve une excuse. » ;)

Pour ce qui est de ceux qui parlent de tradition : « les hommes mangent de la viande depuis la préhistoire, c’est la nature » (ce qui est faux, les australopithèques étaient végétariens PUIS il y a eu 2-3 peuples chasseurs qui sont apparus par la suite), ou encore l’excuse de la corrida érigée en art, Matthieu Ricard répond que ce n’est pas parce que c’est une tradition qu’elle est forcément bonne. Une habitude ne sous-entend pas le caractère qualitatif d’une chose. Il y avait une époque où les guerres étaient nobles et où on bénissait les canons, c’était la tradition, ça ne veut pas dire que c’était moralement acceptable ! Pour Ricard, il n’y a pas de prise de conscience sans changement de culture. Et la culture passe par l’éducation, la réflexion.

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Pour finir, après une pause de 30 min, c’est au tour d’Aymeric Caron, ancien reporter de guerre, journaliste de télé/radio (et auteur de No Steak) de passer. Il a préféré que son passage soit sous forme d’interview.

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Caron a expliqué que l’humanité sera végétarienne un jour parce qu’elle n’aura plus le choix. Elle aura gaspillé toutes les ressources sur Terre (je parle au futur mais bon, c’est déjà bien actuel, on EST déjà trop nombreux sur Terre et ça fait depuis 2010 que les limites de la biodiversité ont été atteintes. Vivement la suite.) D’après lui donc, les grands changements (la fin de la viande surtout) ne se feront pas par éthique mais par nécessité au niveau écologique et économique.

Beaucoup imaginent que le végétarien se prive, que c’est un chieur « mauvais vivant » (alors que c’est justement dans la cuisine végétar/lienne qu’on trouve le plus de saveurs, il suffit juste de goûter une fois pour le comprendre). Ça me fait penser à ces extraits de No Steak, dans lesquels n’importe quel végéta*ien se reconnaîtra ;)

« Le végétarien est un objet de moqueries et de sarcasmes. Pendant un repas, on lui propose trois fois de la viande en pouffant. On lui parle constamment de laitue, comme si c’était son unique moyen de subsistance. On ironise sur sa vitalité, voire sur sa virilité s’il s’agit d’un homme. On lui demande s’il boit tout de même de l’alcool, même si ça n’a aucun rapport. Incompris, oui. Le végétarien exaspère et on lui fait sentir. »

« Pendant les 10 premières années, j’ai éprouvé de la gêne à me distinguer ainsi. Mille fois je me suis excusé d’être « si compliqué ». […] En vingt ans, les mentalités ont un peu évolué et moi aussi. Aujourd’hui, il n’est plus question que je m’excuse ou que je me justifie. Je suis végétarien et c’est comme ça. Mes amis mangeurs de viande ne s’excusent jamais, eux. »

« Tout végétarien a déjà vécu cette expérience : invité dans une soirée ou dans un dîner, pour peu qu’il soit le seul représentant de sa « catégorie », il devient rapidement le centre de la conversation et se retrouve mitraillé de questions, dont la première est invariablement : « pourquoi es-tu végétarien ? ». Autrement dit, « pourquoi as-tu fait un choix différent du mien ? ». Avec en creux cette interrogation : « lequel de nous deux a tort ? ». Car il y en a forcément un qui est dans l’erreur. Choisir ce que l’on mange, ce n’est pas juste suivre son goût ou son humeur : c’est faire un choix de société. Un choix politique, intellectuel et même parfois spirituel. » (sources : No Steak)

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Caron a lui aussi parlé de cette incohérence que les gens (spécistes) ont de s’émouvoir du sort d’un chien mais pas d’une vache ou d’un cochon. Les omnivores disent souvent des végétariens qu’ils font preuve de sensiblerie, alors que d’après lui, c’est justement EUX qui en font preuve ! Ils font des chichis avec les animaux « mignons », ils ont des traitements de faveur envers les animaux de compagnie, ce sont eux qui pleurent devant les images d’un chat maltraité sur Facebook… tout en se faisant un jambon-beurre… Les défenseurs de la cause animale par contre, voient ça d’un point de vue intellectuel, du point de vue la raison et de la logique et ne font donc aucune différence entre un chat, un veau, ou un poisson (peu importe l’espèce, si un animal souffre, c’est intolérable, point barre).

Il est lui aussi revenu sur le fameux « je peux pas, j’aime trop la viande » en disant que ce n’est pas un argument acceptable. Le plaisir qu’on prend ne sera jamais un argument. Un psychopathe prend du plaisir à tuer, mon plaisir est d’écouter de la musique à fond à 3h du mat’… est-ce éthiquement acceptable pour autant ? Non. On peut faire ce qu’on veut par plaisir, mais tant que ça n’impacte pas sur la souffrance d’un être vivant (animal ou humain).

On a aussi beaucoup parlé du fait qu’en France, on commence à voir une évolution (merci Internet) mais les lois ne bougent pas, la question des droits des animaux reste absente. Des militants anti-corridas finissent toujours en garde à vue alors que ce sont EUX qui se font démolir par les pro-corridas. (Certains sont même suivis par la cellule anti-terroristes !) Autre exemple : L214 a montré les coulisses dégueulasses du foie gras cet hiver et a tenté de faire condamner la société Soulard pour « sévices graves et actes de cruauté », Soulard a été relaxé et L214 condamné à leur verser 5000€ ! On croit rêver. Dernier exemple : les Verts qui viennent geindre contre le réchauffement climatique alors qu’aucun ne parle de la viande, qui en est la première cause… ben oui, dès qu’il s’agit de tirer un trait sur son steak, ça chante tout de suite un peu moins fort… (Et WWF qui incite à manger de la viande, j’en parle même pas de ces escrocs).


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Des petites phrases entendues ça et là :

« Ceux qui disent que si on n’élève et ne mange plus d’animaux, ils vont disparaître de la surface de la Terre, il n’y a rien de plus absurde car on fait justement naître en masse pour tuer ! C’est comme faire naître un bébé pour donner ses organes ! » Ricard

« Le mythe des protéines, calcium, …, provient d’un travail de désinformation de lobbys travaillant pour le gouvernement (ndlr : comme Nestlé ou Danone, « les produits laitiers sont nos amis pour la vie », « les produits laitiers = des sensations pures », tout ça tout ça hein ;)) Ricard

« Du fait de leurs conditions de détention lamentables, les animaux sont carencés en vitamine B12, on leur en donne en supplément dans les élevages, alors critiquer le végétalisme à cause de la B12, c’est gonflé ! » Caron
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Les remerciements de Brigitte Gothière, co-fondatrice et porte-parole de L214, que j’ai trouvés très émouvants :

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Lolita Lempicka (qu’on voit dans la campagne de L214 « Elle aussi est une mère ») :

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Paul Watson, fondateur de Sea Sheperd :

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Nous avons aussi vu Jérôme Lescure, réalisateur de A.L.F. et Jean-Luc Daub, auteur de « Ces bêtes qu’on abat« , qui a « visité » des abattoirs pendant 10 ans (il n’en est pas ressorti indemne, naturellement). Bref, une excellente conférence, vraiment passionnante, ponctuée de témoignages qui n’ont fait que me conforter dans ce choix que j’ai fait il y a plus de 10 ans et qui a changé ma vie à tout jamais.
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Le petit buffet vegan pour finir ;)

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Voilà pour ce compte-rendu, sans doute un peu fouillis, comme mes notes :)

N.B : Certaines photos (celles de meilleure qualité ;)) viennent de L214.
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N’hésitez pas à vous procurer :

La libération animale et L’éthique à table de Peter Singer
Plaidoyer pour les animaux de Matthieu Ricard
No Steak d’Aymeric Caron

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